De quoi les NFT sont-ils le nom ?
Un expert explique leur principe, les raisons de leur succès et les perspectives pour les entreprises
En l’espace de quelques semaines, les NFT ont pris d’assaut un monde de l’art sous respiration artificielle depuis le début de la pandémie de COVID-19. Les œuvres s’échangent pour des sommes se comptant parfois en millions de dollars, les maisons de vente aux enchères ont pris le train en marche, et (presque) tout le monde se pose deux questions : Comment tout ça fonctionne-t-il ? Et s’agit-il d’une bulle prête à exploser ou d’une authentique innovation ?
Pour y répondre, j’ai interrogé John Karp, COO de BeMyApp et auteur du podcast et de la newsletter NFT Morning. Pour Newsroom, John clarifie et analyse les concepts derrière les NFT et offre quelques pistes de réflexion pour leur utilisation au-delà du marché de l’art.
Qu’achète-t-on quand on achète un NFT ? 🧧
NFT signifie “non-fungible token”, c’est-à-dire “jeton non fongible”. Vous achetez un jeton unique, qui correspond à un titre de propriété inscrit sur la blockchain. À l’instar des bitcoins (qui sont eux fongibles, comme toute monnaie), la confiance dans les NFT vient de l’impossibilité de changer cette inscription.
Il s’agit donc d’un titre de propriété numérique sur une image, une musique, une vidéo, un contenu ou même un simple morceau de code.
Pourquoi payer des millions pour une œuvre alors qu’on peut la télécharger sur son disque dur ? 🧐
Prenons l’exemple de la Joconde. Dans votre salon, vous pouvez avoir la Joconde. Mais la Joconde de votre salon vaut-elle autant que celle du Louvre ? Non, elle ne vaut pas beaucoup plus que le coût du papier et du cadre.
Dans le monde analogique, rien n’empêche non plus de reproduire les œuvres. Avec les NFT, on retrouve toutes les propriétés physiques classiques, mais pour des œuvres qui étaient au départ inappropriables : les œuvres numériques.
C’est ce qui explique l’engouement autour des NFT : l’existence d’un besoin économique (celui des artistes numériques) d’un côté, et l’attribution d’une valeur patrimoniale de l’autre.
Quel est l’intérêt des NFT pour les acteurs du monde de l’art ? 🎨
Posséder un NFT relève d’une logique de collectionneur, comme on peut collectionner les timbres dans le monde réel. D’ailleurs, aux États-Unis, les NFT ont explosé avec les cartes de collection des sportifs, un marché très populaire depuis des décennies. Le marché des cartes virtuelles NBA Top Shot est déjà plus important que le marché des cartes de basket traditionnelles. La technologie facilite l’accession au marché, son organisation et sa fluidité : une carte numérique ne se détériore pas, ne peut pas être volée ni falsifiée.
On est en train de vivre “l’ubérisation” du marché de l’art. Christies a vendu une œuvre de Beeple en NFT pour 70 millions de dollars, Sothebys a annoncé une collaboration avec Pak : pour le marché de l’art, le numérique est une bouée de sauvetage. Comme source de revenu bien sûr, mais aussi comme voie d’entrée d’une nouvelle catégorie d’acquéreurs, d’une nouvelle génération, avec moins de moyens mais plus nombreux. Cette démocratisation résonne comme un tremblement de terre dans un marché historiquement réservé à des personnes très avisées et assez riches.
Une limite importante est fixée en termes de propriété intellectuelle. Tous les NFT n’offrent pas les mêmes droits sur l’œuvre achetée : la majorité d’entre eux sont exclusifs mais d’autres non, et d’autres encore sont des ”éditions limitées”. Certains permettent de verser automatiquement des royalties à l’auteur en cas de revente ou d’exploitation de l’œuvre.
Peut-on imaginer des NFT en dehors du marché de l’art, pour les entreprises ou dans la société en général ? ⏭
Les marques pourraient créer des ”cartes” NFT et qui tireraient parti de l’unicité du NFT, par exemple dans l’événementiel. On pourrait ainsi conserver ces NFT pour se rendre ensuite sur un site internet réservé aux membres.
Les utopistes à l’origine des NFT, avant même de les appliquer à l’art, ont conçu des mondes virtuels dans lesquels les gens peuvent acheter de véritables titres de propriété sur le terrain virtuel, avec des droits de vote, des règles d’urbanisme, etc. Par analogie, dans le monde de l’entreprise, on peut imaginer de usages qui mélangent un droit de participation à des événements, un droit d’accès exclusif à des contenus, etc., autour d’une logique d’appropriation.
Plutôt qu’un identifiant et un mot de passe, proposer une carte VIP NFT remet du matériel dans l’immatériel.
Pour aller plus loin… 🧐
👉 Qu’est-ce que les NFT, ces jetons qui révolutionnent l’art et le jeu vidéo ?
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